Le Blog sur la Papouasie
La découverte de la Papouasie
Les colons et les aventuriers
Paroles de Marc Weiglein, photos de Marc Weiglein et autres
La Nouvelle-Guinée fut l’une des dernières terra incognita de notre planète. Sa découverte a été progressive et lente, comme si l’île ne voulait pas partager ses secrets avec le monde. Sur les cartes des années 1970 et 1980, de grandes parties du pays étaient encore représentées par des zones blanches annotées « données insuffisantes ». Certaines histoires des premiers explorateurs en Papouasie sont devenues célèbres dans le monde entier et continuent de fasciner chaque lecteur jusqu’à aujourd’hui. Ce sont ces histoires qui font l’objet de cet article. Mais tout d’abord, un rapide coup d’œil sur les prémices de la découverte de la Papouasie.
Quand commence la découverte de la Papouasie ?
La découverte de la Papouasie repose sur le fait que, au XVIe siècle, en Europe, un gramme de clous de girofle vaut plus cher qu’un gramme d’or. Les royaumes européens envoyaient alors d’innombrables navires en expédition autour du globe à la conquête des épices. Les îles de l’Indonésie actuelle, riches en poivre, en clous de girofle, en cannelle et en noix de muscade, étaient très prisées.
Ce sont donc les Européens, les Portugais plus précisément, qui, en 1526, en route vers les îles des Moluques, longent pour la première fois les côtes de la Nouvelle-Guinée. Ils ne débarquent pas mais cette première mention de l’île ouvre la voie à d’autres expéditions européennes par la suite.
La légende veut que le nom de Papouasie ait été donné par les Portugais ou les Espagnols. Ces derniers se seraient référer au mot indigène « papu », qui signifie « crépu » pour décrire les cheveux des habitants de la région.
En 1793, l’Empire britannique tente pour la première fois de coloniser la Nouvelle-Guinée dans la partie ouest de l’île. Néanmoins, cette tentative échoue et les Britanniques finissent par se retirer. Ce n’est finalement qu’en 1828 que les Pays-Bas réussissent à coloniser de façon permanente certaines régions côtières de la Papouasie. La Papouasie devient alors une composante des Indes néerlandaises, prélude au pays qu’est l’Indonésie aujourd’hui. La frontière actuelle entre les parties ouest (Papouasie Nouvelle-Guinée) et est (Papouasie occidentale) de la Nouvelle-Guinée est un vestige de cette période coloniale. Alors que la partie ouest de la Nouvelle-Guinée est revendiquée par les Pays-Bas depuis 1828, le quart nord-est de la Nouvelle-Guinée est lui revendiqué par l’Allemagne tandis que le quart sud-est l’est par la Grande-Bretagne depuis 1884. Ainsi, en 1895 la Grande-Bretagne et les Pays-Bas signent finalement un traité frontalier. La frontière, établie à l’époque et traversant le centre de l’île, demeure inchangée jusqu’à aujourd’hui.
Pour une brève explication des différentes terminologies, veuillez lire notre article de blog : Papouasie, Papouasie occidentale, Nouvelle-Guinée…
La Nouvelle-Guinée, une île pour les explorateurs
La Nouvelle-Guinée n’était pas seulement intéressante pour les colons et les commerçants, elle a également suscité très tôt la curiosité des explorateurs et des scientifiques. Les colonies n’existaient que le long des côtes, tandis que l’intérieur de l’île est resté longtemps un mystère.
La Nouvelle-Guinée possède une flore et une faune extrêmement riches. Mais pas seulement! L’île est également unique sur le plan ethnique et culturel. La diversité de ses langues et de ses cultures isolées est plus grande que partout ailleurs dans le monde. C’est pourquoi on ne peut même pas parler d’une culture papoue mais de cultures papoues. Chaque région abrite des tribus différentes ; chaque tribu a sa propre langue, ses propres traditions, ses propres croyances et ses propres rituels. En Nouvelle-Guinée, plus de 300 différentes langues parlées ont été identifiées. Beaucoup de ces langues ne sont parlées que par quelques milliers, voire quelques centaines de personnes.
La flore et la faune uniques, la diversité culturelle et l’isolement extrême de l’île, ont rapidement attiré de nombreux explorateurs et chercheurs. Et puis il y a eu l’histoire de Jan Carstensz.
Jan Carstensz – L’homme qui a vu la neige
On sait peu de choses sur l’explorateur néerlandais Jan Carstensz. Nous savons qu’il appartient à la Compagnie néerlandaise des Indes orientales (également appelée VOC – Vereenigde Oost-Indische Compagnie) et qu’il est stationné à Ambon, dans les îles des Moluques, lorsque la VOC lui confie en 1622 la direction d’une expédition dans les eaux de la Nouvelle-Guinée.
Carstensz est chargé d’explorer la côte sud du « grand pays de Nouvelle-Guinée » et de vérifier les données de son collègue Willem Janszoon. Janszoon avait aperçu l’Australie quelques années auparavant, lors d’une expédition le long de la côte de Nouvelle-Guinée, et en avait fait part à ses employeurs. Janszoon était convaincu, à tort, que la Nouvelle-Guinée et l’Australie faisaient partie d’une unique masse continentale cohérente (les cartes néerlandaises seront dessinées avec cette erreur pendant de nombreuses années).
L’expédition de Carstensz dure plus d’un an et connaît peu de succès. Lors d’une escale sur la côte de Nouvelle-Guinée, l’équipage est attaqué par des indigènes et plusieurs membres perdent la vie. L’explorateur néerlandais poursuit néanmoins sa route vers l’Australie et débarque à plusieurs reprises. De nouveau, il y a des affrontements avec la population autochtone. Carstensz capture alors certains des assaillants et décide d’en emmener deux d’entre eux à Batavia, l’ancien nom de Jakarta, où la VOC est basée. Et alors que Carstensz est sur le point de découvrir le passage entre la Nouvelle-Guinée et l’Australie, il rencontre des vents contraires et décide de rebrousser chemin.
En dehors des problèmes avec les indigènes, Carstensz n’a pas grand chose à dire de la côte australienne. Son rapport officiel est assez négatif et aura un effet décourageant sur la poursuite de l’exploration de cette région par les Pays-Bas pendant un certain temps.
Le manque d’intérêt suscité par son rapport et son échec à découvrir le passage entre l’Australie et la Nouvelle-Guinée auraient dû faire tomber cette expédition dans l’oubli. Mais il n’en est rien. Au contraire, le nom de Jan Carstensz figure aujourd’hui dans les livres d’histoire pour une découverte qu’il a faite sur le chemin du retour vers Batavia, et pour laquelle il a été raillé et traité d’idiot dans son pays d’origine à l’époque : Jan Carstensz affirme avoir vu de la neige sous les tropiques !
Le 16 février 1623, Carstensz, debout sur le pont de son navire, regarde vers l’est et, comme il le note dans son journal, « nous étions à environ 1½ miles des basses terres, par 5 ou 6 brasses, sur un sol limoneux. À une distance d’environ 10 miles, selon les estimations, à l’intérieur des terres, nous avons vu une très haute chaîne de montagnes qui était blanche comme la neige en de nombreux endroits, ce qui nous a semblé être un spectacle tout à fait unique, puisqu’elle était si proche de [l’équateur] ».
Carstensz faisait référence aux sommets enneigés des montagnes de Nouvelle-Guinée que nous connaissons aujourd’hui sous les noms de Puncak Trikora, Puncak Yamin et Puncak Mandala. Et bien sûr, le plus haut d’entre eux, celui qui porte aujourd’hui son nom, la pyramide de Carstensz (Puncak Jaya).
À l’époque, personne en Europe ne peut imaginer qu’il y ait des sommets enneigés près de l’équateur, et il faudra attendre encore 200 ans pour que son affirmation soit vérifiée. Mieux vaut tard que jamais.
Il faudra attendre plus de 300 ans pour que l’Autrichien Heinrich Harrer réussisse la première ascension de la pyramide de Carstensz.
Heinrich Harrer – Sa vie à l’âge de pierre
Heinrich Harrer est devenu célèbre dans le monde entier grâce à ses nombreuses « premières ascensions ». L’un de ses plus grands exploits reste la première ascension de la pyramide de Carstensz, qu’il a réalisée en 1962. Mais ce n’est pas tout. Il s’est également évadé de l’Inde britannique pour se rendre au Tibet et s’est lié d’amitié avec le Dalaï Lama. Le livre de Harrer « Sept ans au Tibet » est devenu un classique et a fait l’objet de deux films.
La pyramide de Carstensz est, avec une hauteur de 4 884 mètres, le plus haut sommet d’Océanie et appartient au célèbre groupe des « 7 Summits », les 7 sommets les plus hauts des 7 continents. La première tentative d’ascension de la Pyramide de Carstensz par une expédition néerlandaise en 1936 échoue. À l’époque, le groupe ne parvient pas à se mettre d’accord sur lequel des trois sommets de la chaîne de montagnes est le plus élevé. Ils ont d’abord escaladé le Ngga Pulu, puis l’East Carstensz. En essayant d’atteindre le troisième sommet, la pyramide de Carstensz, le groupe a été confronté au mauvais temps et a dû battre en retraite.
C’est donc Harrer qui fut le premier à se frayer un chemin à travers les glaciers jusqu’au sommet en 1962. À cette époque, tout comme lors de l’expédition néerlandaise précédente, il était encore incertain que la pyramide de Carstensz soit effectivement le plus haut sommet. En fait, ce n’est qu’en 1994 que la pyramide de Carstensz a été confirmée et généralement acceptée comme le plus haut sommet de la Nouvelle-Guinée.
Harrer était accompagné d’une équipe diversifiée, dont le géologue Jean-Jacques Dozy. Lorsque ce dernier voit un étrange pic sombre et vert à proximité de la Pyramide de Carstensz, il comprend qu’il s’agit là sûrement d’une montagne de minerai d’or et de cuivre. Cette montagne deviendra plus tard la plus grande mine d’or du monde.
Jusqu’à aujourd’hui, la pyramide de Carstensz n’a pas été conquise par de nombreux alpinistes. Cela s’explique en partie par le fait que de 1995 à 2005, l’accès à la zone était interdit. Et depuis son ouverture, une longue procédure d’obtention de permis auprès des autorités locales est nécessaire et l’ascension elle-même est extrêmement exigeante.
Le livre « Sept ans au Tibet » mentionné ci-dessus est le plus célèbre de Harrer, grâce au film du même nom avec Brad Pitt – mais ce n’est pas le seul ! Harrer a consigné ses aventures dans plus de 20 livres et ses ouvrages sur les expéditions en Papouasie sont devenus des classiques. Le livre « I come from the Stone Age », qui relate son ascension de la pyramide de Carstensz est particulièrement remarquable (mais disponible uniquement en anglais).
En Nouvelle-Guinée, Heinrich Harrer n’a pas seulement escaladé la pyramide de Carstensz.
Il continue ses aventures pionnières en Papouasie et il est l’un des premiers étrangers à se rendre dans la vallée de Baliem et dans la région Asmat, pour n’en citer que quelques-unes. Pendant des mois, Harrer se bat pour se frayer un chemin dans la nature sauvage et hostile papoue. Il tombe gravement malade, se brise 32 os, s’en sort de justesse et repart quelque temps plus tard dans la jungle. Les publications de Harrer contiennent des récits passionnants de ses aventures, avec des explications précises sur les conditions de l’époque.
Mais Harrer n’est pas le seul à s’être lancé dans l’aventure de la Nouvelle-Guinée dans les années 1960. Un jeune homme au nom beaucoup plus célèbre voyageait également en Nouvelle-Guinée à cette époque. Contrairement à Harrer, il ne quittera pas l’île en vie. Son nom : Michael Rockefeller.
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Michael Rockefeller – Son amour dangereux pour l’art primitif
Michael Rockefeller a-t-il été tué, dépecé et mangé par des cannibales Asmat ? Ce qui ressemble à un scénario hollywoodien s’avère peut-être être une histoire vraie. Le cas Rockefeller est un mystère depuis 60 ans et il semble de plus en plus improbable que l’on puisse un jour trouver une explication claire à la mystérieuse disparition du jeune homme. Personne ne connaît la vérité et personne ne souhaite en parler.
Michael Rockefeller avait 22 ans lorsque son père, Nelson Rockefeller, alors gouverneur de New York, s’est porté candidat à la présidence des États-Unis en 1960. Étant un Rockefeller, Michael fait partie de la famille la plus riche et la plus puissante du monde à l’époque. Les parents de Michael sont les chefs de file de la classe supérieure new-yorkaise et d’importants mécènes. En 1957, l’ouverture du musée d’art primitif de New York par son père Nelson Rockefeller est d’une grande importance pour le destin de Michael. Nelson est un collectionneur ambitieux d’art dit « primitif » et souhaite rendre sa collection accessible à un large public. Son musée d’art primitif est le premier musée renommé de ce type et contribuera de manière significative à influencer la perception générale de cet art. Ce qui était auparavant considéré comme de la « camelote » deviendra soudain une forme d’art indépendante et précieuse qui mérite d’être exposée à Manhattan. Une étape importante dans l’histoire de l’art moderne !
Michael est un bon étudiant à l’université de Harvard et sa famille s’attend à ce qu’il poursuive une carrière dans la finance après l’obtention de son diplôme. Mais Michael est également fasciné par l’art du monde entier que l’on peut admirer dans le musée de son père. Il est bientôt nommé au conseil d’administration du musée et, en 1961, sa passion héritée de son père et sa soif d’aventure le conduisent enfin en Papouasie. Lors de son premier voyage en Nouvelle-Guinée, il accompagne son ami étudiant, le cinéaste Robert Gardner, pour travailler comme ingénieur du son sur son projet de film Dead Birds. Pendant 6 mois, les tribus Dani de la vallée de Baliem sont documentées, et Michael est au cœur de l’action. À l’occasion d’une pause dans le tournage, Michael se rend pour la première fois dans la région Asmat, dans le sud-ouest de la Papouasie. C’est lors d’une réunion avec le directeur du Musée national d’ethnologie des Pays-Bas que Michael entend parler de l’art unique de la sculpture de ce peuple de chasseurs de têtes. Ceci éveille son intéret.
A la fin du tournage, en septembre, Michael rentre aux Etats-Unis pour repartir un mois plus tard en Nouvelle-Guinée. Comme il sied à un Rockefeller (et probablement aussi pour impressionner son puissant père), Michael a cette fois de grandes ambitions : il veut ramener de chez les Asmat la plus grande collection d’art primitif qui ait jamais existé pour le musée de son père.
Fin 1961, Michael Rockefeller se retrouve donc sur un catamaran dans la mer d’Arafura, accompagné de son ami l’anthropologue René Wassing et de deux indigènes papous, avec l’intention d’acheter ces étonnants boucliers, pagaies et statues Asmat sculptés dans le bois, ou encore ces fascinants mâts dédiés aux ancêtres de plusieurs mètres de haut qu’il avait aperçus lors de son voyage de repérage.
Le groupe navigue le long de la côte sud de la Papouasie et visite plusieurs dizaines de villages Asmat. On dit que Michael était trop gourmand et ambitieux et qu’il passait souvent à côté des aspects les plus importants de cette expédition. Qu’il ne cherchait pas à comprendre la culture des Asmat et la signification de leur art. Qu’il ne voyait que le caractère précieux, voulant en acquérir le plus possible et l’envoyer chez lui par le moyen le plus rapide. C’est peut-être aussi ce manque de perspicacité qui, plus tard, scellera son destin.
Outre les mâts des ancêtres et les boucliers en bois, ce sont surtout les trophées de la chasse aux têtes des Asmat qui suscitent l’intérêt de Rockefeller. Le jeune homme offre de grandes récompenses pour chaque crâne qu’on lui apporte. Les intentions de Michael ne sont pas appréciées par les autorités néerlandaises sur place car il relance ainsi la chasse aux têtes chez les Asmat. Un fonctionnaire rapporte :
« La présence de Rockefeller entraîne une augmentation considérable du commerce local, en particulier de la demande de têtes magnifiquement peintes et préservées. »
Signification : Les Asmat partent à la chasse aux têtes pour échanger les crânes nouvellement capturés contre des machettes et du tabac avec Rockefeller. Ce dernier a recueilli des dizaines de crânes.
Le voyage de Michael s’achève brutalement le 18 novembre 1961, lorsque son catamaran en bois chavire entre les villages côtiers d’Agats et d’Atsj en raison d’une forte houle. Rockefeller, Wassing et les deux compagnons locaux (deux adolescents) dérivent sans gouvernail en mer. Les deux jeunes papous comprennent immédiatement la situation et décident de nager vers le rivage pour chercher de l’aide. Rockefeller et Wassing restent sur le catamaran chaviré. La nuit tombe et passe. Le jour suivant se lève et s’écoule. Rockefeller pense bientôt que les papous ont échoué. Il est inquiet et décide de rejoindre lui-même à la nage le rivage qui est encore visible à ce moment-là, mais semble s’éloigner d’heure en heure. Contre l’avis de son camarade, Rockefeller part, estimant à 8 kilomètres la distance à parcourir. Un bidon d’essence vide attaché autour de la taille, Michael quitte le catamaran et s’éloigne à la nage.
C’est la dernière fois que Michael Rockefeller est officiellement vu.
Le corps de Rockefeller n’a à date toujours pas été retrouvé. Les autorités ont conclu que Michael était mort en nageant vers la côte. Il s’est probablement noyé ou a été attaqué par un crocodile, selon l’explication officielle de l’époque.
Mais certains témoignages, gardés secrets, racontent une autre histoire sur la mort de Michael Rockefeller.
Les deux papous ont en réalité pu atteindre le rivage et obtenir de l’aide. René Wassing est finalement secouru quelques heures après le départ de Michael. Comme les autorités néerlandaises et la famille Rockefeller sont rapidement informées de la disparition de Michael, des bateaux, des avions et des hélicoptères commencent rapidement à patrouiller la côte sud à sa recherche. La marine australienne, et plus tard la marine américaine, soutiennent les recherches. Plusieurs milliers d’habitants sont également chargés de fouiller à pied ou en pirogue les forêts marécageuses des mangroves qui bordent la côte. Nelson Rockefeller affrète un Boeing au départ de New York pour se rendre avec sa fille et un groupe de journalistes à Merauke en Papouasie, où la cellule de recherche est mise en place.
La mer d’Arafura est une mer peu profonde et boueuse où la température de l’eau est élevée. Les équipes de recherche espèrent donc toujours retrouver Michael vivant.
Mais tous les efforts restent vains. Bien que le bidon d’essence vide qu’il avait attaché autour de lui soit retrouvé, il n’y a plus aucune trace de Michael, mort ou vivant. Au bout de dix jours, la famille décide d’arrêter les recherches et retourne aux États-Unis, désespérée.
L’histoire se termine officiellement ici, mais la disparition du fils de l’homme le plus riche du monde a fait l’objet d’une enquête plus approfondie après le départ des Rockefeller, avec des résultats troublants.
Le premier à partir à la recherche de nouvelles traces, à la demande du gouvernement néerlandais, est l’officier Wim van de Waal. Rockefeller avait acheté son catamaran à van de Waal et l’on peut supposer que ce dernier était personnellement très motivé pour en savoir plus sur ce qui s’était passé. De plus, van de Waal connaît bien la région. Il y a séjourné longtemps et parle la langue indonésienne. Il passe trois mois à chercher des pistes. Ses recherches font apparaître des faits effrayants. Pour van de Waal, il est clair que Michael Rockefeller a été tué et mangé par les Asmat.
Ces allégations sont difficiles à croire. Certes, à cette époque les Asmat étaient encore des cannibales belliqueux et agressifs. Mais ces agressions n’ont jamais été dirigées contre les Blancs. Le respect pour les armes des blancs était trop grand, et l’intérêt pour échanger leurs objets d’art contre des objets modernes trop alléchant. Qu’un Rockefeller, désarmé et en détresse, soit le premier Blanc à mourir de mort violente semble être une histoire improbable.
Mais van de Waal n’est pas le seul à formuler de telles allégations. Quelques semaines seulement après la disparition de Michael, les prêtres missionnaires néerlandais Cornelius van Kessel et Hubertus von Peij ont raconté la même histoire aux autorités néerlandaises. Le prêtre Hubertus von Peij, qui vivait dans la région Asmat depuis des années, était bien connu et respecté par les tribus de la région. Une nuit, quatre hommes Asmat viennent à sa porte pour lui raconter une histoire. Avec force détails, ils lui disent comment un homme blanc, portant des lunettes et des vêtements inhabituels, a été tué par les hommes du village asmat d’Otsjanep.
Ce meurtre aurait été un acte de vengeance. Mais une vengeance pour quelle raison ? Rockefeller était arrivé en Papouasie depuis peu et n’était qu’un collectionneur inoffensif qui n’était jamais entré en conflit avec les tribus Asmat.
L’incident sur lequel repose la théorie de l’acte de vengeance remonte à 4 ans déjà. A cette époque, le gouverneur colonial hollandais de la région Asmat, Max Lepré, avait organisé un raid contre les villages Asmat d’Omandesep et d’Otsjanep. Ces deux villages étaient souvent impliqués dans des chasses aux têtes et des massacres mutuels, et Max Lepré souhaitait avec ce raid les effrayer et leur confisquer leurs armes. Mais les choses tournent mal lorsque les hommes du village d’Otsjanep commencent à riposter et que certains des hommes les plus influents et les plus puissants du village sont abattus par Lepré et son équipe. Dans le monde des Asmat, de telles actions doivent être vengées, sinon les esprits des morts rendront la vie infernale aux vivants. Voici donc pourquoi 4 ans plus tard, les esprits de ces hommes doivent toujours être vengés.
Carl Hoffman, auteur du livre « Le destin funeste de Michael Rockefeller », s’est rendu plusieurs fois en Papouasie afin de découvrir la vérité. Il a notamment passé plusieurs mois dans la région Asmat et a appris la langue locale. Ses recherches le mènent à des résultats similaires.
Hoffman soupçonne Michael d’avoir rencontré un groupe d’hommes du village d’Otsjanep, près de la côte. Il est alors seul, sans défense et c’est un homme blanc. Pour l’acte de vengeance, il n’est pas nécessaire que Michael ait un lien avec l’incident survenu il y a quatre ans. L’occasion est trop belle, il faut la saisir. Selon Hoffman, les hommes Asmat tuent alors l’homme blanc, le découpent rituellement, s’enduisent de son sang, mangent son cerveau et sa chair et se partagent ses os. Comme ils le font toujours après une chasse aux têtes réussie.
Certaines photos prises par Michael lui-même lors de son premier voyage de reconnaissance prouvent qu’il avait déjà rencontré ces hommes d’Otsjanep. Cela pourrait être une indication supplémentaire qu’il a effectivement été tué dans un acte rituel de vengeance car les Asmat n’emportent que les os des personnes qu’ils connaissent.
Le Néerlandais Wim van de Waal aurait même réussi à retrouver, au cours de ses recherches, des ossements de Michael distribués aux hommes d’Otsjanep après sa mort. Il les remet aux autorités néerlandaises à titre de preuve. Mais nous sommes en 1962, la cession de la Papouasie à l’Indonésie se prépare et Nelson Rockefeller se présente pour la deuxième fois à la présidence des États-Unis. Ni la famille Rockefeller ni les autorités néerlandaises n’ont intérêt à ce qu’une histoire de cannibalisme aux détails macabres fasse la une de la presse mondiale.
Les preuves sont gardées secrètes, van de Waal est démis de ses fonctions et les deux prêtres reçoivent l’ordre des autorités catholiques de garder le silence.
Même chez les Asmats, l’histoire reste taboue. En fait, les Asmats croient fermement qu’ils ont été punis pour le meurtre de Michael Rockefeller. Juste après la mort de Michael, ils voient pour la première fois des monstres d’acier planant au-dessus de leurs têtes (des hélicoptères) ! Des navires de guerre et des avions sont à sa recherche. Dans chaque village, on le demande. Rockefeller n’est pas un fonctionnaire colonial comme les autres et tous les moyens sont déployés pour le retrouver. Pour les Asmat, qui vivent profondément dans l’idée des fantômes du monde souterrain, c’est comme si, en tuant un Blanc, ils avaient ouvert les portes de l’enfer. Très effrayés par les hélicoptères et par toute cette agitation, des centaines de villageois se cachent au plus profond de la forêt. Ils veulent échapper aux mauvais esprits.
Quelques mois plus tard, une pandémie de choléra frappe la région Asmat. Il y a plus de morts qu’aucun Asmat n’en a jamais vu. Et une fois de plus, des hélicoptères survolent leur territoire – des hélicoptères de l’armée australienne, qui tentent d’aider à faire face à la situation de la pandémie.
Des centaines de morts, des hélicoptères diaboliques qui harcèlent leurs villages : le choc pour les Asmat est sans précédent. Et ils en sont arrivés à la conclusion suivante : « Si nous racontons l’histoire, nous mourrons ». Depuis lors, l’histoire n’a pas été racontée, elle est restée enfouie avec les os de Michael jusqu’à aujourd’hui.
Vous êtes intéressé par un voyage passionnant chez les Asmat ? Lors de notre voyage en petit groupe chez les Asmat, nous suivons les traces de Rockefeller et visitons également le tristement célèbre village d’Otsjanep. Cliquez ici pour lire le programme : Les anciens chasseurs de tête Asmat
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